Titre : Dans la peau d'un Noir
Auteur : J.H. Griffin
Éditeur : Folio
Date de parution : 1961
Nombre de pages : 248 p.
Comment un écrivain américain s'est transformé en Noir avec l'aide d'un médecin, pour mener pendant six semaines la vie authentique des hommes de couleur. Un témoignage clef, toujours d'actualité.
→ Valide la consigne 8 : lire un témoignage ou une autobiographie
On commence ce challenge
très fort avec Dans la peau d’un Noir. Passé l’incompréhension initiale
(« mais comment on peut être assez fou pour se lancer un défi pareil
?? », toussa toussa), les sentiments qui m’ont agitée tout au long de ma
lecture ont été un mélange de révolte, d’indignation, parfois même d’écœurement
et de découragement, avec quelques éclairs plus chaleureux qui se sont produits
notamment lors de démonstrations de solidarité entre Noirs. Mais quoi qu’il en
soit, ce livre ne peut laisser personne indifférent.
L’auteur étant un intellectuel (je vous renvoie à sa biographie), il ne se contente pas d’observations
superficielles agrémentées de commentaires banals, mais réfléchit, analyse, et ressent.
Le fait qu’il ait été Blanc avant de devenir Noir ajoute davantage de
profondeur à son expérience : il a les moyens de comparer ce qu’il vit en
tant que membre d’une communauté opprimée avec son existence antérieure de
privilégié. La différence est évidemment des plus
édifiantes, je ne vous spoile rien en disant ça.
De plus, le fait que cela se passe
dans le sud des États-Unis vers le début des années 1960 n’arrange rien du tout : un
certain nombre de mesures ségrégationnistes existent encore dans bon nombre de
villes, qui compliquent l’assouvissement de besoins élémentaires comme le
simple fait de boire ou de se rendre aux toilettes – l’auteur insiste plusieurs
fois sur l’obligation qu’il a eu de devoir marcher longtemps avant de trouver
un « café pour les Noirs » ou des cabinets dans lesquels il serait
autorisé à entrer. Et je ne parle pas des lieux, notamment culturels, où la
présence d'un Noir aurait été tout simplement mal vue ; quelque
chose que J.H. Griffin résume avec une phrase simple mais glaçante :
« C’est monnaie courante pour un Noir de rêver de choses dont il n’est
séparé que par une porte, sachant qu’il ne les connaîtra jamais. »
Il y a plein d’autres
phrases qui m’ont interpellée, plein de situations auxquelles l’auteur a été
confronté qui m’ont montré avec force toute l’absurdité du racisme :
prenons le premier qui me vient à l’esprit, un chauffeur de car qui prévient
les Blancs avec politesse de la présence d’une marche au moment de descendre,
mais met un point d’honneur à ne pas avertir les Noirs quand ils se trouvent
dans la même situation – avec le dénouement final, un peu ironique, où une
femme noire descend au même moment que des Blancs… Cruel dilemme pour le chauffeur. À quel moment est-ce que ça a du sens ?
Comment peut-on justifier une telle différence d’attitude ? Bien sûr,
c’est sans doute l’un des exemples les plus anodins qui existent dans ce roman ;
il y en a d’autres tout aussi flagrants mais avec des conséquences plus importantes, comme ceux évoqués plus haut.
Et bien entendu, tout
n’est pas aussi manichéen : même si d’une manière générale, les Noirs que
rencontrent l’auteur se serrent les coudes face à l’adversité (en témoignent
tous ceux qui l’ont hébergé pour une nuit), J.H. Griffin n’oublie pas de préciser
que leur communauté n’est pas unie pour autant et que des dissensions existent
entre eux. De même (je vais parler de ça très grossièrement, je vous préviens),
il s’évertue à montrer toute l’importance de l’instruction, une problématique
intrinsèquement liée à celle du racisme : si les Noirs se retrouvent
globalement dans une situation de telle pauvreté et n’ont pas un niveau
d’instruction aussi élevé que les Blancs, c’est parce qu’on ne leur donne pas les
moyens d’en sortir – d’où nombre de préjugés à leur encontre, qui conduisent au racisme. C’est un problème
encore parfaitement d’actualité, et la manière qu’a J.H. Griffin d’en parler
m’a permis de donner une nouvelle profondeur à une idée que je n’avais
jusqu’alors qu’effleuré.
En résumé, c’est un
témoignage qui est toujours d’actualité même si les faits racontés se sont
déroulés soixante ans auparavant. L’auteur parvient sans peine à montrer
l’absurdité de la haine que les Blancs peuvent avoir à l’encontre de
communautés racisées, qui ne repose sur aucun fondement concret ; et même s’il
s’agit à l’origine d’une expérience destinée à tirer quelques conclusions
scientifiques, on le sent touché en profondeur par le rejet et le mépris dont
il fait l’objet en tant que Noir, deux sentiments aggravés par la vie de
privilégié qu’il menait avant. Que de dire de plus, à part qu’il s’agit d’un
roman bouleversant, percutant, qui ne peut laisser personne de marbre ?
Avis clair, net et précis, reste à le lire pour se faire une idée !!
RépondreSupprimerExactement ;)
SupprimerJe connaissais pas du tout ce bouquin mais en tout cas, ton avis me motive à le découvrir :))
RépondreSupprimerSuper ! Comme lecture de vacances il y a mieux, mais je t'encourage vraiment à le découvrir si tu es dans le bon mood ^^
SupprimerJe ne connaissais pas du tout mais je dois dire que tu es parvenue à m'interpeller.
RépondreSupprimerJ'espère que tu te laisseras tenter un jour, dans ce cas ^^ Il mérite vraiment d'être lu !
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