lundi 25 mai 2020

La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur, Suzanne Collins

Titre : La ballade du serpent et de l'oiseau chanteur
Auteur : Suzanne Collins
Éditeur : PKJ
Date de parution : 2020



C'est le matin de la Moisson qui doit ouvrir la dixième édition annuelle des Hunger Games. Au Capitole, Coriolanus Snow, dix-huit ans, se prépare à devenir pour la première fois mentor aux Jeux. L'avenir de la maison Snow, qui a connu des jours meilleurs, est désormais suspendu aux maigres chances de Coriolanus. Il devra faire preuve de charme, d'astuce et d'inventivité pour faire gagner sa candidate. Mais le sort s’acharne. Honte suprême, on lui a confié le plus misérable des tributs : une fille du district Douze. Leurs destins sont désormais liés. Chaque décision peut les conduire à la réussite ou à l'échec, au triomphe ou à la ruine. Dans l'arène, ce sera un combat à mort. Pour assouvir son ambition, Coriolanus parviendra-t-il à réprimer l’affection grandissante qu’il ressent pour sa candidate, condamnée d’avance ?




[ATTENTION. Dans cette chronique, tous les spoilers seront en blanc, pour éviter que vous ne les lisiez par inadvertance]

Aujourd’hui, on s’attaque à du lourd : La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur. Aka le préquel auquel je ne m’attendais pas. En bonne fan que je suis, devinez ce que j’ai fait ? Non, je ne me suis pas jetée dessus Day-One, mais c’est presque ça : je l’ai acheté Day-Two (OK, ça sonne moins bien). On pourrait donc s’attendre à ce que je l’ai dévoré le jour-même, mais non :  j’ai dû patienter quelques jours parce que je voulais relire la trilogie avant de m’y plonger.

Next question : est-ce que cette relecture m’a été bénéfique ? Réponse : Oui et non. Snow fait quelques apparitions éclairs dans le premier tome, et c’est à peine si l’on entend le son de sa voix dans les deux autres. En fait, ses quelques entrevues avec Katniss ne suffisent pas vraiment à comprendre ses motivations ni à appréhender pleinement sa psychologie ; quant à son passé, on nous donne quelques informations générales juste utiles à compléter les trous entre La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur et la trilogie. Bref, ça m’a permis de me rafraîchir la mémoire, mais une telle relecture n’est pas vraiment nécessaire malgré tout.

En effet, dès la première page, tout ce que je croyais savoir sur Snow s’est trouvé balayé comme feuilles au vent. Le résumé présente sa famille comme ayant connu des jours meilleurs ; le premier chapitre, lui, nous montre que la situation est encore pire : les Snow sont à la fois totalement ruinés mais aussi diminués. Quand on n’a lu que la trilogie, c’est un peu difficile d’imaginer Snow (ou Coriolanus, même si c’est un nom affreux que j’ai eu du mal à retenir), si froid et implacable, avoir comme préoccupation majeure de trouver une chemise convenable à porter pour la cérémonie de la Moisson. En plus, cela pose un problème majeur : le nom prestigieux de sa famille ne s’accommode pas d’une telle situation. Coriolanus est donc obligé de faire comme si de rien n’était auprès des autres – notamment auprès de ses camarades de l’Académie –, comme si lui et les siens ne rencontraient pas la moindre difficulté. On comprendra aussi pourquoi le sort de sa famille, inextricablement lié à son propre avenir, le préoccupe beaucoup. Et donc pourquoi il apparaît comme quelqu'un d'ambitieux et de calculateur, malgré quelques éclairs de générosité plus ou moins désintéressés.

Et là, vous êtes en train de vous dire : mais s’il est comme ça, comment le lecteur peut-il le supporter pendant plus de six cent pages ? Tout simplement parce que ce n’est pas aussi simple et qu’au fond, on ne peut pas ne pas s’attacher à lui. Le point de vue n’est peut-être pas interne comme dans la trilogie, mais une grande importance est donnée à ses réflexions, à ses doutes et à ses motivations ; sans parler de sa relation avec Lucy Grey (la tribut du District Douze et sa protégée) qui est assez touchante. Bref, ça a beau être l’antagoniste de la trilogie, ici, il n’est pas question de le considérer comme tel : on est loin de l’homme cruel et cynique contre lequel se bat Katniss et ses alliés. Sauf à la fin. Peut-être. En effet, certaines choses qu’il a faites ou sur lesquelles il a été amené à réfléchir vont finalement le conduire à révéler sa vraie nature : on le remarque en particulier avec une décision qu’il prend dans les dernières pages (spoil : sacrifier Lucy Grey pour sauvegarder son avenir).

Et si on parlait du reste, maintenant ? Par exemple, de ce que ça fait d’être de l’autre côté du miroir ? Eh bien, ça n’étonnera personne, mais embrasser le point de vue d’une personne qui est née et a grandi au Capitole est des plus intéressants. D’abord parce que l’on comprend ce que ses habitants ont traversé lors des Jours sombres : pour le coup, ce sont bien les rebelles qui apparaissent ici comme des méchants, et non l’inverse – malgré un certain personnage dont le rôle semble justement de nuancer cet état de fait. Au moment où se passe le préquel, environ dix ans après, la ville n’a pas encore eu le temps de se remettre. Du coup, comparer la vie des habitants à cette époque et celle qu’ils mènent dans la trilogie donne le vertige à coup sûr : ça n’a rien à voir du tout. Bien sûr, que la famille de Snow soit pauvre n’arrange pas beaucoup les choses.  

Et que dire des Hunger Games en eux-mêmes ? Ça serait comme jouer au jeu des sept différences : la préparation aux Jeux, comme leur déroulement et ce qui se passe après n’a rien en commun avec ce que connaîtra Katniss des années après. Pour ne pas vous gâcher la surprise, disons simplement que c’est beaucoup moins sécurisé et bien plus artisanal. Quand on y pense, c’est parfaitement cohérent : les Hunger Games tels qu’on les connaît n’ont pas pu apparaître comme ça, pouf ! du jour au lendemain. C’est vraiment très intéressant (et surprenant, voire même un peu horrible : il faut quand même se dire que tout est parti d'une blague…) d’en connaître les origines et de voir les idées qui sont développées pour essayer de les rendre plus attractifs.

Par ailleurs, la question des Hunger Games n’est pas abordée que d’un point de vue pratique mais aussi philosophique. Je vous rassure, la réflexion est tout à fait abordable : elle rejoint la problématique plus générale du rapport de force entre Capitole et districts, et du système politique qui a été retenu pour maintenir un semblant d’ordre. Contrôle, chaos et contrat social : voilà, en résumé, les trois axes sur lesquels le lecteur et Coriolanus sont invités à réfléchir. Les petites citations qui ouvrent ce roman, en plus de vous rappeler vos pires heures de sociologie (si vous en avez fait), introduisent plutôt bien les thèmes abordés tout au long du préquel.

Mais ne vous inquiétez : ce n’est pas un bouquin de philo et ces passages plus réflectifs ne sont pas les seuls qui composent La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur. Le rythme a beau être globalement (et relativement) tranquille, on a quand même droit à des moments plutôt intenses, qui parfois même nous prennent par surprise (l’assassinat d’Arachne et la fin de la partie 2, quand Coriolanus est forcé de devenir Pacificateur, en sont deux bons exemples). Par ailleurs, j’ai trouvé très intéressant de suivre les Hunger Games du point de vue des spectateurs et non des participants : on se rend bien compte que ce n’est pas tout le temps passionnant et qu’il y a beaucoup de temps morts, même si (heureusement pour nous) on a droit à notre lot de surprises. Et bien sûr, le fait que les mentors se sentent impliqués pour des raisons évidentes est un bon moyen de maintenir une certaine forme de tension.

D’ailleurs, ai-je besoin de préciser que nous aussi, lecteurs ou lectrices, on se sent concerné par l’issue de cette dixième édition des Hunger Games ? C’est vrai, je n’ai jamais su sur quel pied danser avec Lucy Grey mais je voulais quand même la voir survivre ne serait-ce que pour Coriolanus (je n’arrive toujours pas à l’écrire correctement du premier coup, c’est fou). Elle m’a semblé le plus souvent forte et sûre d’elle, sauf quand elle se trouvait justement avec son mentor : c’est dans ces moments que l’on aperçoit la jeune fille de seize ans sous sa carapace de battante. Dans ces conditions, que penser d’elle ? J’avais peur que cette fragilité apparente ne fût qu’un moyen de manipuler Coriolanus pour garantir ses meilleures chances de survie. Est-ce que ça a vraiment été le cas ? Je n’en suis pas sûre. Néanmoins, je ne sais toujours pas quoi penser d’elle.

Il faut malgré tout remercier Lucy Grey pour une chose : grâce à elle, on comprend enfin les origines d’une certaine chanson – ma préférée. C’est d’ailleurs un clin d’œil qui est loin d’être le seul fait à la trilogie. On a bien sûr les personnages dont le patronyme est étrangement familier, une certaine personne que je n’aurais jamais pensé voir dans le préquel (et surtout pas avec ce rôle-là) et quelques autres petites choses dispersées ici et là (par exemple : revoit-on les fameuses roses de Snow ? À quoi je ne peux que vous répondre : à votre avis ?)



En résumé, que dire sur ce préquel ? Ai-je le sentiment de m’être fait arnaquée ? Pas du tout. Est-ce qu’il apporte quelque chose à la trilogie ? Oui, complètement : on apprend plein de choses sur l’univers imaginé par Suzanne Collins, aussi bien en ce qui concerne les Hunger Games que les Jours sombres.

En revanche, et même si c’est lui le protagoniste et la raison d’être de ce préquel, j’avoue avoir plus de réserves sur Snow (ou Coriolanus, mais qui aime vraiment ce prénom ?). OK, j’ai acheté ce livre avant tout pour lui, parce que je voulais le connaître mieux et aussi parce que c’était le premier livre que je voyais consacré au passé d’un antagoniste. De ce côté-là, aucun souci, je n’ai pas été déçue de découvrir ses origines ni d’avoir un bel aperçu de sa psychologie très complexe – je dirais même torturée. Mais d’un autre côté, Coriolanus n’a absolument rien à voir avec le Snow de la trilogie : dans ma tête, c’est comme s’ils étaient deux personnes séparées. Une fois le préquel terminé, je suis allée relire par curiosité quelques passages qui mettent en scène le président dans les différents tomes et, oui, définitivement, je n’ai pas eu l’impression de voir le même Snow.

Ne vous méprenez pas pour autant : je ne suis pas du tout mitigée, le préquel a totalement rempli mes attentes et plus encore. Mais pour moi, il n’est pas suffisant. Il faudrait un tome supplémentaire pour faire la liaison entre La ballade du serpent et de l’oiseau chanteur et la trilogie, qui développerait l’épilogue et le peu que l’on sait de Snow dans le troisième tome. Est-ce que ça serait faisable pour autant ? Pas sûre. Déjà que j’ai eu le sentiment de perdre Coriolanus à la fin du préquel, dans le sens où ses décisions ne me permettaient plus de m’attacher à lui, je n’imagine pas ce qui se passerait dans une suite où il aurait pleinement assumé la personne qu’il est devenu. Suzanne Collins parviendrait-elle quand même à faire naître de l’empathie pour lui ? Je suppose que nous n’aurons jamais la réponse…



À bientôt pour une nouvelle chronique !

4 commentaires:

  1. Très chouette chronique ^^ Contente que tu ais été convaincue en tout cas !
    Le bouquin est déjà dans ma wish mais j'avoue que je ne suis pas une fan de la trilogie Hunger Games. Les deux premiers tomes sont géniaux mais le troisième bif bouf. Donc, je vais "bouder" ce spin-off du moins attendre quelques temps avant de me le procurer.
    (Et je sais pas si c'est parce que je suis fatiguée ou quoi, mais j'ai lu Coronavirus à la place de Coriolanus 😂)

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    1. Merci :D Je comprends parfaitement, lors de ma dernière relecture je me suis rendue qu'en effet, le troisième tome n'est vraiment pas le meilleur... (notamment parce que je l'ai trouvé assez déprimant, au final x)) Mais heureusement le spin-off est totalement différent.

      (ah non mais t'inquiète, j'ai moi aussi pensé plusieurs fois à Coronavirus pendant ma lecture xD)

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  2. C'est étrange Wonderbooks, j'ai eu ce même effet optique,message subliminal sans doute ! Bon, j'avoue que je n'ai pas encore lu la trilogie, donc pour le prequel, il faudra que je patiente, le temps enfin d'y mettre mon nez. Quoiqu'il en soit, chronique piquante et parfumée, au top !😄

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  3. Une chronique intéressante, même si je n'ai encore jamais lu la trilogie originale ! Mais elle est dans les romans que je désire découvrir :)

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