Titre : Mamma Maria
Auteur : Serena Giuliano
Éditeur : Le cherche midi
Date de parution : 2020
Pour cette chronique, je vous suggère de vous installer sur une terrasse avec vue sur la mer (ou toute autre étendue d'eau ressemblant de près ou de loin à la mer) et un verre de limoncello à la main : je crois qu’il n’y a pas de meilleur moyen de vous immerger dans Mamma Maria.
Si vous voulez voyager sans bouger de votre fauteuil ou si vous souhaitez faire entrer le soleil chez vous le temps d’un après-midi (on ne sait jamais, il peut prendre des vacances même en été), alors, n’hésitez pas : Mamma Maria est là pour ça. On est aussitôt immergé dans la vie très mouvementée de ce petit café de la côte italienne et de ses habitués pour la plupart hauts en couleur – oui, c’est à vous que je pense, les retraités. En fait, on pourrait même croire que le Mamma Maria existe pour de vrai tellement l’autrice parvient à nous y faire sentir comme chez soi : jouer à scopa, commander des gelati au chocolat, boire un Amalfitano, écouter en boucle Adriano Celentano… Autant d’activités que je n’ai jamais faites (OK, juste deux d'entre elles...), mais qui toutes ensemble donnent une âme à ce café si convivial. De la même façon, Serena Giuliano vante parfaitement les charmes de l’Italie, aussi bien à travers sa gastronomie (qu’est-ce qu’elle m’a donné faim, bon sang) que les « cartes postales » qui concluent certains chapitres. Non, vraiment, je n’ai rien à redire sur le cadre dans lequel se déroule l’histoire : on s’y croirait vraiment.
Néanmoins, n’allez surtout pas croire que c’est un roman aussi frais et pétillant qu’un grand verre de prosecco. Oui, il est vraiment feel-good sur certains côtés (je n’ai pas mentionné un certain voyage dans un certain pays que l’on connaît tous, mais il s’agit sans doute de l’un des meilleurs moments du bouquin : un merveilleux condensé de préjugés et de blasphèmes entremêlés), mais il aborde aussi des thématiques beaucoup plus sérieuses. Eh oui, on ne s’en sort pas : ce roman parle de racisme. Et plus précisément encore, de la peur de « l’autre », de ces étrangers qui viennent de l’autre côté de la mer et qui font l’objet d’une méfiance parfois instinctive : c’est ce que l’on remarque par exemple avec le comportement très discutable de certains habitants. Pourtant, ni Souma ni Mustafa ne sont différents de qui que ce soit. Ils ont seulement connu un passé très difficile, et le lecteur ne peut que s’attacher à eux et espérer qu’il ne leur arrive que du bon. J'ajouterai pour finir sur ce chapitre que l'autrice emploie des mots simples mais justes pour faire passer un message de tolérance et de respect d’autrui. Mais ce n'est pas terminé : en effet, elle ne se contente pas que de parler de racisme.
D’une manière à la fois très simple et naturelle, elle aborde aussi quelques notions de féminisme et de découverte de soi. Comme ça, vous pourriez croire que ça ressemble à un pot-pourri de pleins de sujets d’actualité, avec le risque de traiter tout ça de manière un peu bancale, mais croyez-moi : oui, le propos n’est pas forcément très approfondi, mais il est efficace car va droit à l’essentiel. On n’a pas l’impression que ces différents sujets sont amenés de manière forcée ; tout s’insère harmonieusement dans l’intrigue globale et permet d’étoffer un peu l’histoire et la personnalité de nos deux protagonistes, Maria (la gérante du Mamma Maria) et Sofia (une jeune traductrice qui est très proche de Maria).
Que puis-rajouter à l’éloge que je suis en train de faire ? Je n’ai pas parlé des personnages, c’est vrai. La plupart ont le cœur aussi tendre que l’intérieur d’un cornetto (des souvenirs que j’en ai… Après, je me souviens surtout que ce n’était pas hyper bon), car cherchent à répandre le bien autour d’eux : nombre d’entre eux, comme Sofia, Lella (la belle-fille de Maria), ou Franco, le retraité plein de vitalité, vont tout mettre en œuvre pour aider Souma et son fils. Mais avoir le cœur d’un cornetto ne signifie pas que leurs échanges sont mièvres et dégoulinants de bons sentiments : quasiment tous les dialogues ont la puissance d’un limoncello bien costaud. Que ce soit entre Maria et sa belle-fille, entre Sofia et son collègue, ou entre les retraités et les autres personnages, on se régale à chaque répartie. Maria en particulier n’a pas la langue dans sa poche, et les chapitres racontés de son point de vue ne sont qu’autant d’illustrations de son caractère flamboyant, même si le personnage n’en reste pas moins imparfait – je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler.
Et là, vous vous demandez
peut-être : ils sont où les défauts ? Eh bien… Nulle part. Ce n’est
pas dérangeant que l’autrice ne pousse pas à fond les thématiques qu’elle
aborde ; après tout, on est là pour passer un bon moment. En revanche, s’il faut
vraiment que j’en trouve un (mais ce serait du chipotage ultime), c’est la
présence d’un certain personnage gay qui tombe un peu comme un cheveu sur la
soupe. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je suis totalement
pour leur insertion dans la littérature adulte comme jeunesse, et je suis
contente de voir que de plus en plus d’auteurs et d’autrices s’y attachent.
Mais dans le cas présent, on dirait que ce personnage n’apparaît que pour
cocher la case « perso LGBT+ » ; son orientation sexuelle ne
joue en effet aucun rôle dans l’intrigue (sauf si on veut se lancer dans
d’éventuelles fanfictions) et par conséquent, je pense que l’autrice aurait pu
se passer de la préciser. Soit on le fait bien, soit on ne le fait pas. Et
puisqu’elle ne cherche pas à développer le sujet (un embryon de problématique
est soulevé en une réplique, mais ça ne va plus loin), je pense qu’elle aurait
pu s’abstenir sans que la qualité de son œuvre ne soit altérée pour autant.
Mais je vous ai prévenu : c’est du chipotage puissance 1000. Le passage
dont je suis en train de parler ne dure même pas une page et est noyé dans un
océan de bonnes idées. En fait, vous pourriez peut-être vous demander si je ne
suis pas juste en train de chercher désespérément un moyen de rallonger ma
chronique…
Dois-je vraiment résumer cette très looooongue chronique ? OK, si vous insistez. C’est un livre rafraîchissant comme un gelato en pleine canicule, qui vous fera voyager dans une Italie semblable à une carte postale. On se sent chez Mamma Maria comme à la maison ; les personnages sont à la fois tendres et attachants, mais leurs réparties ne manquent pas de piquant. Impossible donc de s’ennuyer, et d’autant plus que les chapitres sont vraiment très courts. Pour autant, il ne s’agit pas vraiment d’un roman 100 % feel-good : l’autrice aborde en effet certains sujets assez graves, au premier rang desquels on trouve la question du racisme. Ce côté un peu plus sérieux ne tombe pas comme un cheveu dans la soupe (ou dans les pâtes), puisque ces thématiques sont amenées avec certes un peu de simplicité, mais aussi une bonne dose de naturel. On passe donc un excellent moment avec Mamma Maria, et je ne peux que vous le recommander vivement. Et de mon côté... Eh bien, tenez : voilà la recette officielle de l'Amalfitano ! Oui oui, le même que le cocktail qui trône sur la photo tout en haut de cet article (: Attention : c'est délicieux, mais aussi très puissant ! N'hésitez pas à adapter les doses selon votre résistance à l'alcool (et n'oubliez pas non plus que l'alcool est à consommer avec modération). Bonne dégustation !
J'ai adoré autant le bouquin que cette chronique, tout est parfaitement résumé.Donc, n'hésitez plus et foncez chez Mamma Maria !!
RépondreSupprimerOui, ça vaut largement le voyage !
SupprimerC'est une autrice que j'ai très envie de découvrir mais je ne l'ai toujours pas fait. Ta chronique donne terriblement envie donc il faudrait que j'y remédie :D
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