mercredi 9 septembre 2020

Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin, Émilie Plateau - #BLM Challenge

Titre : Noire, la vie méconnue de Claudette Colvin

Auteur : Émilie Plateau

Éditeur : Dargaud

Date de parution : 2019 



 
Prenez une profonde inspiration, soufflez et suivez ma voix. Quittez le lieu qui est le vôtre, quittez le 21e siècle. Vous voici dans les années 1950 au sud des États-Unis, à Montgomery, en Alabama. Désormais, vous êtes Claudette Colvin, une jeune adolescente noire. Ici, noirs et blancs vivent dans la ségrégation. Ici, être noir c'est n'avoir aucun droit. Mais, le 2 mars 1955, Claudette Colvin, qui n'a que 15 ans, refuse de céder sa place à une passagère blanche dans le bus. 9 mois avant Rosa Parks, elle devient la première noire à plaider non coupable et à poursuivre la ville en justice.



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La dernière fois, c’était Rosa Parks qui avait été mise à l’honneur. Aujourd’hui, c’est le tour de sa prédécesseuse : Claudette Colvin. Elle a fait exactement la même chose que Rosa Parks, elle aussi a été arrêtée et emprisonnée temporairement, mais à son contraire, elle a été totalement effacée de la mémoire collective. Pourquoi ? Je vous laisse vous renseigner par vous-même. Ou mieux : lire ce roman graphique.

L’autrice nous immerge progressivement dans le Montgomery des années 1950, en s’adressant directement à nous et en jouant habilement avec les couleurs pour mettre en avant toutes les petites choses qui font de la vie des Noirs à cette époque un véritable calvaire. C’est vraiment très bien fait. Et non, ne vous fiez pas trop à la couverture : oui, les dessins sont assez simples d’apparence, mais en vrai, ils fourmillent de plein de détails qui les rendent beaucoup plus percutants qu’ils ne le seraient sinon.

Quant à l’intrigue, elle se divise en deux parties : une vraiment centrée sur Claudette Colvin, depuis sa naissance jusqu’à l’épisode qui aurait dû la rendre célèbre, et une seconde qui est davantage axée sur Rosa Parks – même si, rassurez-vous, l’héroïne de cette BD finit bien sûr par revenir à la charge. J’ai vraiment apprécié d’en apprendre plus sur cette adolescente courageuse, mais j’ai aussi été bien contente d’avoir lu l’autobiographie de Rosa Parks avant : en effet, l’autrice semble parfois interpréter certains faits d’une façon différente et pas forcément très juste. Par exemple, pourquoi Rosa Parks n’a pas parlé lors d’un certain meeting. Ce n’est pas tant qu’on ne lui a pas laissé la parole (même si, OK, on ne l’a pas non plus encouragée à le faire), mais surtout qu’elle n’en a pas éprouvé le besoin comme elle le dit elle-même dans son livre. Mais bon, ça reste un détail (vous avez remarqué que j’adore chipoter ?). Le reste est très bien documenté et l’autrice parvient sans mal à condenser tous les événements qui agitent Montgomery et le reste des États-Unis dans les années 1950 : en gros, on pourrait dire que ce roman graphique est un peu une leçon d’histoire expresse.

Il y a cependant un autre détail (ENCORE UN, oui) qui m’a un peu dérangée. Émilie Plateau insiste pas mal sur une forme de dualité homme/femme, sur le fait que les militants hommes semblaient chercher à brider la parole des femmes et à se réapproprier le mouvement que le WPC (Women’s Political Council) a impulsé, à savoir le boycott des bus. Je ne vais pas vous le cacher, ça m’a un peu gênée : Rosa Parks montre bien de son côté que l’engagement des femmes prend de plus en plus d’ampleur à mesure que les années passent  avec pour seule exception la marche de Washington de 1963 où elles ont été étonnamment mises à l'écart, même si un hommage a malgré tout été rendu aux militantes. J’ai donc trouvé un peu maladroit de la part de l’autrice d’insister sur quelque chose qui n’était peut-être pas aussi problématique qu’elle veut bien le faire croire. Mais bon, c’est un point de détail ; et puis, j’ai peut-être surinterprété ou mal compris où voulait en venir Émilie Plateau. Sans parler du fait que, pour être tout à fait honnête (et si l’on oublie tout le reste), c’est quand même plutôt appréciable de voir les femmes sous les feux de la rampe pour une fois.

 

J’ai beaucoup apprécié de découvrir la vie d’une jeune fille qui aurait pu être devenir une figure importante de la lutte contre la ségrégation, mais qui est malheureusement retournée dans l’ombre. Les dessins sont simples mais transmettent parfaitement les émotions que l’autrice veut nous faire ressentir ; et le fait qu’elle s’adresse directement à nous, lecteur ou lectrice, nous implique vraiment dans l’histoire. Le fait aussi que Rosa Parks pointe le bout de son nez de manière impromptue et occupe une place assez importante ne m’a pas dérangée puisqu’elle joue un rôle certain dans l’histoire de Claudette Colvin. En revanche, c’est vrai, j’ai apprécié d’avoir lu son autobiographie juste avant (mais vraiment juste avant : j’ai lu ce roman graphique dans la même journée !) pour nuancer certains propos de l’autrice. Recommanderai-je ce roman graphique ? Eh bien oui. Malgré ses défauts, qui n’en seront peut-être pas pour vous, il est vraiment intéressant à découvrir et accessible à tout le monde



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